Un peu de souvenirs de ma jeunesse

Dans ce dossier Jeunesse, je relate ce que j'ai vécu dès l'âge de 10 ans jusqu'à la fin de mon service militaire, mais non compris mon passage à la boulangerie dès l'âge de 14 ans, ni ce qui a trait à la guerre.

Nous sommes en 1941 et 1942. Je suis en primaire en classe de 3ème puis en 4ème chez l'instituteur Pierre Gabriel. Un homme qui m'a fasciné par son programme de classe.

Chaque semaine, un beau texte se trouvait sur un tableau et avait trait au moment vécu ou un sujet bien précis. Un de ceux-ci est encore bien précis dans ma mémoire et avait comme titre : le chemineau. Ce texte servait à tous les cours de français : dictée, conjugaison, analyse et rédaction. C'était le thème de la semaine. Ces différents cours me fascinaient et l'idée naissait en moi, qu'un jour moi aussi, je ferais comme lui et serais instituteur.

L'idée fait son chemin dans mon esprit et chaque cours reçu est analysé avec beaucoup d'intérêt. J'aime l'école et à 15h30, je resterais à l'étude pour effectuer mes devoirs et leçons jusqu'à la fin de ma 6ème primaire..

Et voilà que vers la fin de mes primaires, un frère inspecteur me contacte et me propose de poursuivre mes études secondaires à Habay la Neuve, école de recrutement de la communauté des Frères Maristes.

Bien plus tard, j'ai alors 79 ans, et je vais avec Myriam, récupérer Delphine qui faisait un stage de langue à Habay. Avec surprise en découvrant cette école, je cherche un contact qui m'apprend qu'effectivement, il s'agissait bien de l'institut dirigé par les Maristes. Comme toutes les vocations religieuses sont en chute libre, seul trois d'entre eux atteints par la limite d'âge vivent dans un appartement des environs.

Pour moi, qui pensait qu'instit était un beau métier, je n'étais pas spécialement attiré par cette proposition, qui plus est ne correspondait pas aux projets de mes parents qui avaient la ferme intention de m'inscrire au collège St Michel. Pourquoi pas à St François comme mes aînés : La question n'est pas à poser, la décision était irrévocable.

Et me voilà donc en secondaire chez les frères des écoles chrétiennes. Là, comme un enfant sorti de ma campagne, je découvre un autre type d'enseignement que je trouve bien plus alléchant. Pour comble, ne voilà-t-il pas que je suis appelé chez le frère directeur de l'établissement qui me réitère le même boniment que j'avais entendu en primaire. Je suis décontenancé, mon futur est bien de devenir prof... mais certainement pas en soutane.

Et pourtant après deux ans dans cette école, je n'ai pas le droit de m'exprimer et la décision paternelle est prise : C'est à l'atelier de la boulangerie que je dois rester.

Adieu donc mes idées et envies personnelles. Le fils doit obéissance aux parents.

Durant la guerre, mais je remarque que par la suite au fil des ans, c'est toujours ainsi que se passent les vacances pour la jeunesse, à savoir que des activités sont organisées par les différents mouvements de jeunesse afin d’apporter un peu de plaisir en ces temps tristes et maussades. Ces différentes activités seront d'ailleurs poursuivies après la guerre mais sous d'autres formes afin de permettre aux plus défavorisés de profiter de ces moments de vacances

Nous sommes pendant les grandes vacances en 1943. Du lundi au vendredi, le patronage organise des activités durant l'après-midi. Lorsque le temps le permet, accompagnés par des moniteurs, les jeunes partent en balade soit à la Croix du petit Jean, soit au ru de Bilstain. Ma mère m'autorise à participer à ces activités pour autant qu'il fasse mauvais et que l'activité se passe au local du patro. Quoi de plus drôle. Ces activités de vacances sont aussi sous l'oeil attentif des Frères Maristes de l'Institut du Sacré-cœur. Or ce jour-là le temps étant estimé maussade par l'autorité maternelle, je peux donc me rendre à l'activité du jour. Mais ce temps n'est pas jugé trop mauvais par les organisateurs; ils décident donc de partir vers le ru de Bilstain.

Moi, en tant que garçon soumis, et de toute façon je n'ai pas le choix, je me retire du groupe et je n'ai qu'une chose à faire, retourner à la maison; or le Frère Directeur, le Frère Hilaire en cette période, me voit prêt à quitter la cour et rentrer à la maison; il décide comme un chef et prend sur lui la décision de m'envoyer en balade avec les autres condisciples, il m'assure que le Frère Antoine qui doit aller à la boulangerie prendre le pain pour la communauté, donnera l'explication aux parents: c'est lui le directeur qui a décidé de m'envoyer promener. Je ne peux qu'apprécier cette sage décision prise par une autorité qui ne pourra être contredite et plus heureux que n'importe qui, nous voila partis en chantant par la place du Sablon où nous prenons la rue de la Montagne vers Mont-Dison.

Soudain, une main de fer me retire du rang et Maria ma sœur me ramène manu militari à la maison. Là, sans pouvoir expliquer quoi que ce soit, je me retrouve à genoux dans le coin pour avoir enfreint le règlement maternel. Comme annoncé et prévu, le brave frère Antoine, vient relater le pourquoi de mon escapade; mais il est trop tard, je peux juste sortir du coin et l'incident est considéré clos.

Durant les vacances d'été, lorsque le temps est relativement beau, j'aime souvent m'asseoir à terre sur une couverture au balcon de la maison. C'est aussi de là que je vais observer la débâcle allemande et le charroi des libérateurs. C’est de ce balcon aussi que je vis les activités journalières de notre cité. C’est là aussi que je pratique la lecture des livres que chaque dimanche, je vais emprunter pour quatre sous à la bibliothèque paroissiale. J'ai aussi reçu du Père Thimister, prêtre du même ordre que les sœurs qui tenaient à l'époque l'internat où Yvonne et Maman ont été à l'école après l'offensive von Rundstedt, j'ai donc de lui reçu une série de livres racontant la vie des Saints; j'ai aussi reçu du fils de la locataire du second étage, un certain Léon Derouaux âgé d'une quinzaine d'année, qui m'a gentiment donné, une série de livres d'actions du détective "Nat Pinkerton".

Chaque année, je reçois aussi un prix de fin d'année pour bons résultats, ce livre est donné par l'association des anciens élèves de l'école du Sacré-cœur au premier de classe. Le dernier reçu en fin de 6me primaire est "Le violoneux d'Echternach". En tant qu'acolyte, je reçois aussi en fin de chaque année, un livre d'aventure; je me rappelle de "Joé Bing en Alaska" et de "Bibi Fricotin et Titi le Radis".

Mais voilà, chose étrange, sans demander quoi que ce soit et à notre insu, ma marraine, "hé oui" tante Léonie, sœur de mon père, s'occupant de nous durant notre enfance, a donné toute la collection de livres qu'avec Lucie, ma sœur nous avions listés et numérotés pour en faire une bibliothèque. Et bien tout notre patrimoine a été, sans nous avoir au minimum consulté et sans aucun souci; donné au Doyen Michel, révérend doyen du doyenné de Dison et curé de Dison; soi-disant pour compenser les pertes de l'incendie de la bibliothèque du grand Séminaire de Liège. Toujours aujourd'hui, je me demande si ces livres d'enfants ont pu faire le bonheur des autorités du Séminaire. Le vrai bonheur fut pour ma marraine de croire bien se faire voir et faire plaisir au Doyen.

Avec ma tante Françoise, sœur de mon père et Jeanne ma sœur, je vais partir un matin dans les bois de Solwaster pour aller cueillir des myrtilles. C'est la première expérience de la famille; nous partons donc de bon matin, nous sommes en 1943, munis de nos tartines et descendons vers la gare de Verviers où là nous prenons le tram de Spa qui par la rue de Bruxelles, l’avenue de Spa et Heusy puis Jehanster nous mène à Tiège, et de là à pied par le village de Sart, nous nous rendons vers les bois où nous allons pouvoir remplir toutes les boîtes vides que nous avons transportées. Là dans le tram de Spa, nous ne sommes pas les seuls à nous rendre vers cette cueillette, mais les autres personnes, qui vont comme nous couper ces fruits convoités, se moquent du nombre de boîtes que nous avons emmenées, nous avons pourtant pris des peignes pour la cueillette, mais le manque d'expérience fait défaut.

J'entends encore ces voisins d'un jour se dirent entre eux: "Ils comptent sûrement ramener toute la Fagne". Nous, légèrement gênés, (le mot est faible), lorsque nous avons repéré l'endroit où nous allions pratiquer la coupe, nous avons caché une partie de nos boîtes vides dans les bois, pour éviter d'être ridicule une deuxième fois lors du retour et surtout afin de ne pas montrer nos boîtes vides.

Dans mes souvenirs, je me rappelle une des occupations importantes dans notre maison où nous sommes 13 personnes faisant partie du ménage : La lessive est un travail fastidieux. A cette époque, les parents ne disposent pas de lessiveuse ni d'essoreuse. Le tout est donc fait manuellement. Mis à part un certain moment, où je ne sais pas pourquoi, ils allaient dans un lavoir privé fonctionnant rue de la Station et tenus par les époux Devos. Il y avait là une machine à vapeur avec un piston fixé à une énorme roue d'un diamètre de +/- 2 mètres. Je ne sais pas si c'était pour produire l'électricité ou la vapeur mais cela faisait pas mal de bruit. Ajouté à toutes les lessiveuses et essoreuses, je me souviens que cela générait un joli tintamarre.

Dans la commune de Dison, il existe aussi le bâtiment appelé « Bains Douches » et situé Place Luc Hommel. Les disonais moyennant paiement s'y rendaient munis de leurs essuies et savons. Durant la guerre ce service fut suspendu faute de moyens. Lorsqu'à la libération, plus de 600 soldats américains occupèrent les écoles de Dison, ils remirent pour eux le système en route. Par la suite, la commune reprit l'opération jusque vers 1970, période où les salles de bains individuelles ont fait leur apparition. Il faut savoir que l'industrie après la guerre était florissante dans toute la région ce qui a facilité grandement la vie économique.

Chaque grande fête religieuse fait l'objet de grandes décorations du chœur de l'église. Lors de mes moments disponibles, et à mon âge, j'en ai de toute façon. Il faut aussi savoir que mis à part les offices à l'église, je n'ai pas le droit de sortir de la maison pour quoi que ce soit. Profitant des seules occasions me permises, je vais donc, avec le sacristain qui deviendra mon beau-frère, Pierre Crepin, aider à la mise en œuvre de ses décorations. Je vais aussi avec les dames patronnesses de la paroisse frotter tous les cuivres, et bon Dieu sait s'il y en a. Depuis l'aigle du lutrin, les grands chandeliers jusqu'aux plus petits, tout y passe. J'aime aussi aller dans le parc du Doyen, et là nous coupons, séchons et ramassons le foin destiné à ses trois biquettes que sa sœur très assidûment trait chaque jour. Avec Mathieu Lambert fils d'un marchand de cigarettes de la place du Marché de Dison, (aujourd’hui square de la Libération), et futur époux de l'institutrice Poussart de l'école Notre-Dame, ainsi que Armand Rensonnet fils d'un industriel de la rue Trauty et petit-fils de la dame qui occupait l’appartement que nous louerons lors de notre mariage en 1958. Nous participons donc à l'entretien du parc qui de l'église monte jusqu'au monument du Sacré-cœur. Pour moi, ce sont les seules sorties autorisées par ma mère.

Les trois biquettes précitées proviennent de l'organiste Monsieur Jean Petit habitant Mont-Dison, qui lui-même a son petit troupeau; c’est à cause de son troupeau, qu’il flaire le bouc. Le chantre, son fidèle compagnon est Monsieur Lousberg, le grand-père du coiffeur Marc. Le chantre a aussi un magasin où se trouve encore aujourd'hui le magasin de fleurs Lousberg; le chantre est un homme très fort avec une moustache volumineuse; son métier est tapissier-garnisseur. A l'époque, sacristain, organiste et chantre sont des métiers rémunérés. A cette époque, chaque soir à 18h30, a lieu en l’église, la récitation du chapelet suivie d’un salut dont le chantre et l’organiste sont impliqués.

En parlant du sacristain, c’était un Mr Detry qui occupait cette fonction; Il est petit et malheureusement il est bossu. Il y a aussi un acolyte nommé Jacques Reul qui depuis plus d’une vingtaine d’années remplit cette fonction avec beaucoup d’attention. Lui aussi est bossu et par surcroît, un tant soit peu retardé mental. Puisque ma seule sortie autorisée est de remplir les fonctions d’acolyte, c’est donc avec lui que régulièrement je me retrouve au pied de l’autel pour les diverses célébrations journalières. Pour me récompenser de mon assiduité régulière, il me gratifie alors de grandes images religieuses que je conservais avec un peu de plaisir.

C’est en 1945 que je fais ma communion solennelle. Comme précisé dans le résumé de guerre, et afin de laisser rentrer tous les prisonniers, elle a lieu le 15 juillet au lieu du 3me dimanche après Pâques. En préparation de cet événement, nous suivons deux années de catéchisme soit deux fois par semaine où nous apprenons par cœur +/- 250 questions et réponses de religion. Un examen en fin de période, détermine les places que nous occuperons le grand jour. Nous sommes trois premiers à cet examen avec le maximum de points: Joseph Lorquet et Victor Baudinet, tous deux fils d’industriels et moi fils de boulanger. Un tirage au sort devait nous départager. Je fus désigné le troisième, ce résultat n’a jamais satisfait mes parents qui pensaient à la triche. C’est possible, mais allez savoir le fond des choses.

Le grand jour de cette communion solennelle, nous sommes une centaine de filles et garçons à célébrer cette fête. Pour la circonstance, j'enfile un des costumes utilisés sept ans plus tôt par mes frères pour la même cérémonie. Le repas festif se poursuit à la maison avec comme invités les grands-parents Martiny, Maria et Arnold rentré quelques semaines plus tôt après un séjour de 5 ans en tant que soldat prisonnier de guerre. Il travaillait dans une ferme du nord de l'Allemagne, du côté de la ville de Stettin, ville devenue allemande durant la guerre 40-45 puis rappelée Gdansk par les Polonais après la capitulation de l'Allemagne.

En septembre, j’entre en 6me moderne à l’école St Michel à Verviers chez le Frère Marien. Pourquoi cette école, je n’en sais trop rien. Tout se passe pour le mieux au niveau scolaire. Une seule chose me frappe à l’époque, nous avons chaque jour matin, une heure de cours de religion, après avoir assisté à la messe de 8 heures en la chapelle St Lambert sise également dans la rue du Collège. Je trouve que la religion a une place trop importante durant les deux années que je vais suivre dans ce collège.

En 1946, l'on commémore à Liège, le centenaire de la fête-Dieu instauré à Liège par deux religieuses de Cornillon. Il y eut durant un mois de grandes manifestations, dont une où nous sommes allés avec le patro : Une procession sur la Meuse avec de magnifiques bateaux ornés splendidement. C'était féerique.

C'est aussi la dernière année où je jouis de mes deux mois de vacances scolaires. Le patro organise un camp de 10 jours à Remouchamps; comme d’habitude et sûrement par habitude, mes parents ne veulent pas que j’y participe. Pour remplacer celui-ci, avec mes tantes Françoise et Léonie ma marraine, ainsi que ma sœur Lucie, nous allons faire notre premier grand voyage ?.

Nous prenons le bus jusqu'Aubel, et de là à pied par la route de Merkof nous allons à pied nous rendre à Warsage chez Joseph Tonnard et Maria Gerhards. Lui est le fils de Louis Tonnard qui lui est le frère de Julien Thonnard mon père. (dans l'arbre généalogique graphique de Julien à la page TVI). Il faut savoir que le H de Thonnard a disparu après la retranscription du nom lors d’un mariage à la commune de … va savoir ou ?. Nous restons chez eux durant deux jours, puis à pied, nous passons la frontière (en fraude à l’époque) et nous nous rendons chez Louis Tonnard notre oncle habitant Vroelen près de Noordbeek en Hollande.

Là avec Mathilde et Théo, les enfants de Louis nous restons jusqu'au mercredi. Pour la petite histoire, le frère des deux précités qui s'appelle Victor et a un an de plus que moi, fout le camp chez un voisin dès notre arrivée, nous ne le verrons jamais. Le séjour est relativement agréable ?, toutes les conversations sont en néerlandais; avec Lucie nous partons faire des promenades dans les environs après avoir assisté tous les matins à la messe du village. Heureusement le temps est superbe, ce qui ne gâte rien pendant notre séjour; Théo est valet de ferme pas loin de chez lui; et nous le voyons très rarement. Le mercredi est le dernier jour de nos vacances, nous repassons donc la frontière, prenons le train à Warsage en direction de Montzen et changeons de train à Hauset, je me rappelle qu'il y a deux gares, Hauset haut et Hauset bas, nous changeons de gare et prenons le train en direction de Battice pour rentrer en bus à Dison.

C’est aussi en 1946 que décède ma grand-mère âgée de 76 ans. Elle était percluse de rhumatisme. Elle était très douce, je l’aimais bien; le soir sur le seuil de la ferme, pendant mes vacances, elle prenait du plaisir à m’offrir un bout de chocolat; puis assise avec elle, elle me racontait des histoires comme une grand-maman peut en raconter à ses petits-enfants. Sa mort fut pour moi l’occasion de découvrir mon parrain, oncle Pierre Rahier, l’époux de tante Clémence, sœur de ma mère, décédée en 1934. Il a rompu tous les liens avec la famille. Il vint aux obsèques et à la maison après l’office religieux et pour disparaître à tout jamais. Nous n’avons jamais été informé du pourquoi de cette rupture, et pour moi, ce fut le seul moment où je l’ai aperçu.

Par la suite, j’ai appris que suite au décès de son épouse, il a voulu se remarier avec tante Maria, sœur de ma mère. Cette option lui fut refusée; probablement que suite à cette décision, il a rompu avec la famille. S’il est venu à l’enterrement de ma grand-mère, c’est peut-être le grand-père qui avait opposé son veto. De toute façon, plus jamais nous ne l’avons revu.

Le premier camp où je puis participer a lieu à Villers devant Orval en juillet 1947. Le trajet se fait en camion; ce qui dix ans plus tard sera interdit. L'endroit du camp est choisi pour être au delà des endroits qui ont vécu l'offensive von Rundstedt. Le souvenir de ce camp est la visite de l'abbaye d'Orval et aussi la chute en vélo du chef et trésorier de l'intendance, un nommé Roger Lechanteur qui deviendra par la suite administrateur de la mutualité chrétienne de Verviers et échevin à la commune de Petit-Rechain, ceci donc avant les fusions. Il est conduit à l'hôpital de Florenville, mais y revient le jour même. Un autre souvenir de ce camp est la proximité de la frontière française; nous avons été une fois ou deux dans l'estaminet du village français avec mon équipe, où nous avons bu, je me souviens, un pastis. C'est pour moi une vraie découverte. De retour à Dison, une exposition est créée et nous avons réalisé la maquette du village de notre cantonnement. Evidemment sans parler de cet estaminet.

Le deuxième camp auquel je participe est celui de 1948; il se fait à Dohan sur Semois, à quelques kms de Bouillon. Le fermier de la grange où nous dormons a plusieurs enfants dont l'ainée a eu, sans succès, le béguin du chef de camp, Henri Thimister. A ce camp, je suis chef d'équipe et les réunions du soir ont lieu dans la cuisine de la famille. Le vicaire Gilson, notre aumônier, apprécie le tabac du père Dion, notre hôte. C'est un cultivateur du fameux tabac de la Semois. Notre vicaire fumera ce tabac durant plusieurs années.

Durant ce séjour, les aînés ont donné dans la salle du village, la représentation d'une pièce intitulée "Au cabaret des quatre vents", sur le thème du maquis, thème encore bien en vogue en ces temps-là. Je me rappelle aussi du jeu de nuit; préparé à l'avance : soi-disant deux vols ont été commis dans le hangar de la cuisine du campement : deux gardes-chasse ont découvert les auteurs des faits, et la nuit tombée, avec eux, à l'aide de lampes de poches (à ce moment, ceux qui avaient la plus forte lampe, étaient considérés comme les meilleurs, certains avaient un boîtier de cinq piles); nous partons donc à la recherche de ces deux voleurs aperçus dans les bois durant la soirée; la mise en scène est totale, je me souviens qu'un des patronnés, Willy Lemaire, lorsque les deux prétendus voleurs furent démasqués, notre ami Willy, très impulsif, a attrapé un bois et voulait taper sur un des soi-disant malfrat. Le pire a été évité.

C’est l’année de la mort de mon grand-père décédé à l’âge de 78 ans comme son épouse. Une petite anecdote le concernant : Il chiquait des rôles. Je découvre aujourd’hui en 2011, que ce nom n’est pas du Wallon. Repris au dictionnaire Larousse, il en donne la signification suivante : rôle : en agriculture : corde de tabac à mâcher obtenue par torsion de feuilles fermentées. Le problème, c’est que ce jus coulait le long de sa bouche et qu’il l’essuyait avec son grand mouchoir; pour moi, c’était dégoûtant. A part cela, il était gentil, mais un peu bougon.

L'année suivante, en 1949 le camp a lieu de nouveau à Dohan. En ce temps, il faut savoir que la troupe et le matériel sont encore chargés sur le camion d'Arthur Colette, marchand de charbon de la rue Neuve. La répétition du camp au même endroit m'a laissé peu de souvenirs; le seul dont je me souviens est la visite du château-fort de Godefroid de Bouillon construit dans sa cité.

C'est l'année où en tant que dirigeant, je m'occupe chaque dimanche après-midi de la section des petits. Le premier dimanche de mon entrée en fonction, nous partons en balade dans les bois de Tancrémont. Le responsable de la troupe est Julien Crepin, frère de Pierre et futur papa de Jean-Pierre qui deviendra l'ami de Didier. C'est en rentrant à Dison, que nous nous rendons compte que nous avons oublié deux enfants: Jacquy Dortu, demi-frère d'André Vieilvoye et Yvan Ylieff futur bourgmestre de Dison. Avec l'équipe des grands et les dirigeants, nous retournons à Tancrémont et retrouvons les deux lascars avant la tombée de la nuit. Comme entrée en matières, nous avons été servi. Heureusement l'incident ne fit aucune vague.

C'est aussi en 1949 que mon frère aîné Joseph, célèbre sa première messe solennelle. Durant la semaine précédente, avec lui, je participe en temps qu'acolyte aux messes dites dans les différentes chapelles de la paroisse. Chez les sœurs de Notre-Dame à l'école du Husquet, chez les Frères Maristes à l'école de la rue Léopold, à la maison de retraite (à l'époque Hospice des vieillards) de la rue d'Andrimont et à la chapelle des sœurs de St Vincent de Paul de la rue des Meuniers : là ces dernières tiennent deux classes de maternelle et deux primaires et ont aussi en charge la direction du patro des filles.

Toute la famille est invitée pour ce jour solennel de prémices sacerdotales : même les cousins font partie de la fête. L'entrée extérieure du magasin est garnie d'un arc de triomphe autour de la porte avec des branches de sapins et des fleurs. Les mêmes garnitures se trouvent sur le chemin qui mène à l'église. Les enfants des écoles et des mouvements de jeunesse sont le long du court trajet qui mène le nouveau prêtre de la boulangerie vers l'église. Après la messe, toute la famille est réunie à la maison, où la salle à manger et le magasin sont garnis de tables et chaises. Une anecdote: Oncle Laurent de Lontzen, époux de Joséphine, la sœur décédée de mon père a mis une redingote et un chapeau buse. Une fois rentré à la maison, ma sœur Renée lui dit: "Oncle Laurent, débarrasse-toi". Il faut savoir que dans cette tenue pour le moins spéciale, il est très difficile de se débarrasser.

En parlant du magasin et de la boulangerie, c'est l'occasion peut-être de rappeler certaines anecdotes anciennes. Aux environs des années 1870, le propriétaire de notre maison était médecin. Le rez-de-chaussée de droite était à rue, la salle d'attente pour les clients et la chambre derrière son cabinet de consultation. Le rez de chaussée de gauche était un porche qui traversait toute la maison. A l'arrière du bâtiment, subsiste encore l'arcade qui fermait le porche où il avait son attelage et derrière le bâtiment il y avait dans le fond son écurie où se trouvait son cheval. Toujours dans nos habitudes, nous appelions cette place : l'étable.

La rue étant devenue très commerçante, il fit alors construire un nouvel immeuble pour ses consultations sur la place du Sablon, maison qui deviendra par la suite, celle du docteur Dubois, puis dans les années 1970, la maison de l'architecte Jeangette.

À ce moment, vers 1880, le nouveau propriétaire de la rue Albert I construisit un four pour boulanger et aménagea le porche en magasin. Après la première guerre mondiale, oncle Jean qui avait appris son métier à Aix-la-Chapelle puis tenu une boulangerie à Welkenraedt, a repris le magasin de la rue Albert I. Il y travaillait avec mon père et oncle Victor. Vers les années 1922, l'oncle Jean se marie et reprend avec son épouse la ferme des parents de sa femme à Chaineux: les époux Dumont. Mon père reprend alors la boulangerie, se marie en 1924 et la tiendra jusqu'en 1959. Moi, je reprends le flambeau jusqu'à fin 1965. Je la remets à Mr Louis qui une année après tombe en faillite.

Après cette large parenthèse, revenons maintenant à la suite et au banquet de la première messe de mon frère Joseph.

La cuisinière de service s'appelle Melle Janssens. La viande du plat principal est de la langue de bœuf mijotée à la sauce champignon et le vin servi à table est du blanc d’appellation "Entre-deux-mers - ORVINA". A l’époque, de ce que je me rappelle, jamais personne de notre famille n’a bu du vin. Cette marque est proposée par un grossiste en spiritueux, la maison Grifnée Lelotte, demeurant en face de chez nous. Ce dernier est l'arrière-grand-père de Fernand Grifnée. Il a suggéré ce breuvage à mes parents qui avaient sûrement établi le prix à ne pas dépasser. Je me rappelle de sa qualité : c’était entre le vinaigre et l’eau pétillante. Le dessert, c'était des choux à la crème fraîche fabriqués maintenant par moi qui commençait doucement à me débrouiller et dont la qualité était bonne, mais uniquement en rapport avec mes possibilités de l’époque. Je suis encore en stage d’apprentissage. Malheureusement !

L'année 1950 est déclarée par le Vatican "Année Sainte", et bon nombre de croyants vont profiter de l'occasion pour se rendre à Rome. Un pèlerinage est organisé par la fédération des Patros; comme d'habitude, je ne puis y aller. Quatre membres du Patro de Dison y participent et reviennent juste avant le camp qui cette année se fait à Berdorf, une belle région un peu montagneuse dans le Grand-Duché de Luxembourg. Le plus grand rocher, qui se trouve au pied d'une des grandes routes menant au village est le "Pérékop".

Deux souvenirs me restent en mémoire. Dans les bois, nous devons trouver dans les rochers de la région, un semblant de grotte, l'aménager et avec quelques subsides reçus des chefs, les recevoir et leur offrir une collation. L'autre souvenir est que dans mon équipe se trouvait aussi notre fameux Willy Lemaire, celui qui au camp de Dohan avait voulu asséner un coup sur la tête des soi-disant voleurs. Bref il nous ennuyait chaque fois que nous aménagions notre grotte, Un jour, pour en être débarrassé, je l'ai fait monter dans un arbre d'où il ne put redescendre que lors de notre retour au camp.

En 1950, je vais suivre durant plusieurs mois, des cours de secouriste avec Mme Barbière, une infirmière déléguée à cette époque pour donner ces cours dans les locaux de la Croix-Rouge rue Peltzer de Clermont à Verviers. Tous les élèves au nombre d’une bonne dizaine sont issus des mouvements scouts et guides de la ville. Après les mois d’instruction, nous participons à un challenge organisé par la province de Liège. Nous sommes deux équipes de cinq de Verviers pour y participer. Organisé par la Croix-Rouge, cette activité a lieu à Chaudfontaine.

Grâce à ces diverses activités et mon engagement dans cette section, je suis invité par Mr Roumeau, le responsable (il a un grade dont je ne me souviens plus) du centre de Verviers et mari de l’infirmière qui a soigné mon père en 1941. Je vais donc participer avec l’équipe de Verviers aux courses des formules 1 à Francorchamps. Deux fois consécutives, j’y participerais. La tente de secours est montée juste en face des tribunes où le départ avait lieu à cette époque. Mon seul travail consistait à regarder les courses. C’était bien ! quoi ?.

En 1951, c'est à Daverdisse que nous campons, le mot n'est pas tout juste car c'est toujours dans la grange d'une ferme que nous dormons. Les souvenirs de ce camp sont tous effacés. Le seul en mémoire est la ligne de chemin de fer qui passait non loin du village. Je me souviens aussi qu’à ce camp, j’ai pour la première fois la responsabilité du service ’soins de santé’. Suite aux cours suivis, la nouvelle trousse de secours pharmaceutiques est complète et dispose même d’un brancard repliable. Il servira 4 ans plus tard à Frahan lors de la chute et la mort de Pierrot Pepinster.

En Janvier 1952, je reçois une convocation du ministère de la Défense, et l'ordre m'est donné de me rendre pour trois jours à la caserne du Petit Château à Bruxelles en vue de passer plusieurs tests médicaux servant à définir si je suis apte à faire mon service militaire; je vais aussi effectuer différents tests qui vont orienter les examinateurs aux fins de savoir vers quel type d'arme ils vont me juger utile ou capable.

La tension mondiale entre le bloc de l'Est et l'Ouest est assez tendue; avec Fidel Castro, les Russes menés par Nikita Khrouchtchev veulent aider et armer l'île de Cuba, suite à différents troubles qui divisent Cuba et les Etats-Unis. Cette tension va s'apaiser plus ou moins mais il est question durant les premiers mois de 1952 de porter la durée du service militaire à 24 mois. Cela ne sera jamais d'application, mais celui-ci sera tout de même porté de 12 à 21 mois. La guerre froide entre l’Est et l’Ouest est montée d’un cran.

Vient donc mon premier ordre de marche m'indiquant que: le premier juin je suis appelé sous les drapeaux et je dois me rendre à la caserne Dossin de Malines, au CITTR; (Centre d'Instruction des Troupes de Transmissions et Radios) pour faire mon écolage. J'apprends que mon affectation fait suite à la réussite du petit test de morse lors de mon passage au Petit-Château. Les premiers jours en caserne servent à recevoir notre harnachement, connaître nos supérieurs gradés et recevoir les différents vaccins inhérents à cette nouvelle fonction de militaire. La boulangerie sera assurée par mon frère Albert et ma sœur Alice ainsi que Renée dans une moindre mesure.

Bientôt, c'est dans la cour de la caserne que nous commençons le drill; ceci est le passage obligé pour tout soldat appelé à saluer, à marcher au pas en peloton avec fusil, des…présentez armes, des demi-tours à gauche ou droite, le tout dans un ensemble rigoureux. Au moins deux heures par jour, nous répétons ce cinéma. L'autre service est l'apprentissage et l'utilisation du matériel radio avec la prononciation des lettres de l'alphabet: Able, Baker, Charlie etc; ceci doit servir pour envoyer par radio des messages en clair. S’ensuit le passage dans les différentes classes de morse; il y a 24 classes et bandes de morse qui émettent à différentes vitesses les lettres et les mots; mais elles sont de plus en plus difficiles. Les heures dans ces classes sont de plus en plus fréquentes. A la fin de mon stage d'instruction, je suis arrivé à la leçon 21.

Durant ces quatre mois d’écolage, j'ai tiré au fusil une seule fois trois balles au stand de tir, sans même savoir si j’avais visé juste. Nous allions aussi par groupe de quatre, dans la campagne de Malines, pour connaître nos aptitudes à communiquer par radio avec d'autres soldats. Les permissions de retour au foyer sont rares; quatre sur les quatre mois. Trois semaines avant la fin des quatre mois, mon sous lieutenant et chef de peloton m'a proposé de parfaire mon instruction et devenir sous-officier. Ce n'est pas mon style et j'ai donc refusé car cela supposait des rappels plus fréquents. J’ai pourtant par la suite, effectué deux rappels à Bourg-Léopold.

Après quatre mois d'instruction, je suis alors affecté dans mon nouveau bataillon. Ce sera le 4e Bataillon Médical. Nous sommes 4 soldats sur 80 à rester en Belgique. Ce 2 octobre, ces 76 soldats partiront de Malines dans l'après-midi vers l'Allemagne; mais nous qui partons pour Hombourg près d'Aubel nous sommes éveillés à 4 heures du matin pour prendre le train de Malines vers Bruxelles, puis en direction de Verviers; et c'est avec le bus d'Aubel que vers 11 heures du matin, je passe devant la boulangerie que j'avais quittée la veille en étant en permission.

Arrivé à Hombourg, le chef du personnel nous dit avoir téléphoné à 8 heures du matin à la caserne de Malines afin qu'ils nous gardent quelques jours encore. C'est trop tard, nous sommes en route. Nous arrivons donc au 4eme bataillon médical en formation et rien n'est prêt pour nous recevoir. Le chef du personnel nous remet alors un titre de congé sans solde pour quinze jours. Quoi de mieux.

Effectivement, lors de notre retour à la caserne, peu de choses ont changé; chaque jour plusieurs camions amènent du matériel militaire nécessaire à l'élaboration du bataillon. Le chef de corps, un major dentiste dont le cabinet personnel fonctionne à Liège place d'Italie n'est que deux ou trois avant-midi à la caserne. Les seuls services qui fonctionnent normalement sont le bureau du personnel, les cuisines peu équipées, les douches et les dortoirs. La majorité de la troupe reste à venir: ce sont des brancardiers, souvent peu instruits et même pour certains illettrés.

En tant qu'opérateur radio, nous recevons un local, soit cinq chaises et deux tables; pour ce qui est du matériel radio, les promesses n'ont aucun écho, notre sergent de fonction pour nous ne sait rien et ne connaît rien de notre boulot. Il arrive tout nouveau du service des transports de l'armée.

Pour le 11 Novembre 1952, le peloton d’Etat-Major, et j’en fais partie, va participer au village pour le défilé du 11 Novembre. Les jours soirs, les soldats et sous-officiers se retrouvent souvent au petit café qui vient lui aussi d'ouvrir ses portes juste en face de la caserne. Le village étant lui à +/- 4 kms. C’est la seule distraction possible dans ce bled. Je connais par cœur les disques du juke-box. La cantine de la caserne n'ouvrira ses portes que trois mois plus tard.

Au début février 1953, je suis en week-end à la maison. Dans la nuit du samedi au dimanche, une violente tempête de neige s'abat sur toute la région du sud de la Belgique provoquant la paralysie totale des transports publics. Le nord du pays est lui aussi paralysé par de graves inondations. Aux Pays-Bas, c'est pire encore; bien des digues sont rompues et provoquent des inondations encore plus importantes qu'en Belgique. Ce sont carrément des zones habitées qui sont sous eaux; dans ce pays on déplore un nombre important de morts.

Ce dimanche soir, je dois en principe rejoindre Hombourg. Le service des bus vers Aubel est out, c'est donc vers la gare de Verviers que je me dirige pour aller à Liège et là prendre la ligne qui par Fléron et Battice monte vers Montzen en passant par Hombourg. C'est braver l'impossible; je ne suis pas au courant des difficultés de transport dans tout le pays. Arrivé à la gare de Battice, le convoi s'arrête, la neige et les congères empêchent toute progression. Huit soldats sont avec moi dans cette fâcheuse situation; c'est un sergent de notre caserne qui se trouve avec nous et prend les initiatives : par l’administration communale, il nous trouve un logement dans un des locaux de l'ancien charbonnage. Les lits et la literie sont rudimentaires.

Le lendemain matin, le déjeuner nous est apporté par le personnel communal. Vers 10h30, deux camions GMC de la caserne de Henri-Chapelle viennent nous prendre à la gare et nous amènent à cette caserne. Nous sommes dans un des camions, la puissance des deux est nécessaire pour braver la route enneigée et par endroit complètement fermée. L'après-midi, à travers champs et clôtures, nous descendons à pied vers Hombourg. La neige et les congères couvrent la route et les champs au point de ne pas découvrir facilement le tracé de la route par rapport aux prairies; je me souviens que le soldat Abrassard, encore plus petit que moi, est un moment descendu dans la neige jusqu'à la ceinture. Arrivés à notre caserne, nous sommes parmi les rescapés du bataillon; les trois quarts des effectifs n'ont pu rejoindre la caserne. Mouillés jusqu'aux os, les poêles des chambrées ont chauffé à blanc. En effectif réduit, la troupe est confinée dans peu de dortoirs, afin d'économiser les combustibles. Il semble que la région est tout d’un coup sinistrée. Le lendemain, nous sommes réquisitionnés pour déblayer la ligne de chemin de fer vers le village de Hombourg. La situation sera chaotique durant une semaine. Certains soldats ne rejoindront la caserne qu'après quatre à cinq jours.

Deux ans plus tard, j'apprends que le dimanche du week-end ci dessus, ma belle mère à Bellevaux était très malade. Le docteur Dutilleux de Malmédy est appelé et par les prairies il arrive à la maison. La malade nécessite une intervention chirurgicale rapide. Le docteur émet l'idée mais non sans risque, de l'opérer sur place. Toutes les autorités locales sont informées et finalement c'est le commissaire d'arrondissement qui mobilise un chasse-neige du camp d'Elsenborn qui sera suivi d'une ambulance pour monter vers Bellevaux et évacuer la malade vers l'hôpital de Malmédy. C’est ce que m’ont raconté mes futurs beaux-frères et belles-sœurs.

J’ai retrouvé aujourd’hui deux articles de presse commentant ces évènements.

Paru dans le journal « Le Jour » de Verviers :

Sacré Hiver.

La soudaine offensive de grand style déclenchée par le général Hiver n’a heureusement pas eu de conséquences dramatiques dans nos régions. Elle créa pourtant des situations angoissantes dans quelques cas. On cite notamment celui du domaine de Reinartzhof, où vivent actuellement 27 personnes qui durent être ravitaillées par hélicoptère. Et celui de Mme Vve Muller, de Bellevaux, victime d’une crise consécutive, croit-on à un refroidissement et dont l’état nécessita une rapide intervention chirurgicale. Son transfert à l’hôpital put être assuré grâce au Dr P… qui se démena pour faire immédiatement débloquer la route par les bulldozers de service dans la région. Nous apprenons, ce vendredi matin, que l’hospitalisée se félicite vivement de l’aide reçue et des soins qui lui ont été prodigués avec toute la hâte désirable en pareille circonstance.

Paru dans le journal « Le Courrier du Soir » de Verviers :

Un cas dramatique à Bellevaux – Ligneuville.

Verviers, 5 février.- C’est un cas particulièrement dramatique qui s’est produit à Bellevaux-Ligneuville, à la suite des chutes de neige qui viennent de bloquer la localité et l’isoler des environs. En effet, alors qu’on essayait en vain de dégager les chemins, le docteur P… de Malmédy, reçut un appel téléphonique urgent lui demandant de se déplacer à Bellevaux, à 10 heures du soir, pour y voir un malade grave. Comme les communications en auto étaient impossibles, Mr P… entreprit de gagner Bellevaux à pied, couvrant les 10 kms, dans la neige, au prix des pires difficultés.

Mais lorsque le médecin fut là-bas, il se rendit compte que le malade devait subir une intervention chirurgicale. Il alerta un de ses confrères chirurgiens qui lui signala : « Moi je peux m’y rendre également à pied, mais comment aurons-nous le matériel chirurgical et médical nécessaire, puisque les voitures ne peuvent pas passer ? »

La difficulté devenait grande; le commissariat d’arrondissement des cantons fut alerté et, finalement, un conducteur de travaux, avec deux bulldozers, partit de toute urgence vers l’endroit et parvint finalement à dégager la route. L’ambulance put passer et amener le malade à l’hôpital de Malmédy.

Douze heures s’étaient passées, cependant, depuis le premier appel urgent. On avait fait vite, certes, mais il eût pu être trop tard. C’est pour cette raison qu’on peut se demander si en pareil cas des hélicoptères ne pourraient être prévus pour le Service de Santé.

Signalons, par ailleurs, qu’un peu partout la situation s’est largement améliorée. Bien sûr, dans les cantons de l’Est, notamment, la situation n’est pas encore très facile en de nombreux endroits. Mais les bancs de neige ne se retrouvent à présent que sur les côtés des routes et l’essentiel a été dégagé. Il est bon de préciser cependant, que de nouvelles chutes de neige s’avéreraient catastrophiques, car le déblaiement n’a été que partiel, notamment dans le secteur de Malmédy et de Saint-Vith. ---- J.M.

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C'est avec ma solde de soldat, soit 25 cents par jour les douze premiers mois, 38 cents les derniers mois, que j'achète mon premier rasoir électrique.

A Hombourg, arrive un nouveau commandant, c'est un commandant des unités de transports; bien plus militaire et sévère que le staff de médecins; la vie du bataillon devient plus stricte. Le bataillon reçoit une trentaine d'ambulances pour les chauffeurs qui n'ont plus conduit depuis plusieurs mois.

Nous les quatre opérateurs radio sommes envoyés à la Citadelle, caserne de Liège, aux fins de renouveler nos connaissances légèrement ébréchées par cinq mois d'inactivité en radio et transmission. Nous participons durant trois jours, à un exercice de l'unité de Liège dans le village de Milmort. Je me souviens que dans cette grande caserne, nous semblons perdus dans un bâtiment où nous voyons peu de monde : nous ne refermons donc pas nos lits; et pourtant, un jour, nous écopons de quatre jours d’arrêt pour non respect du règlement.

De retour à Hombourg, nous sommes maintenant sous l'autorité d'un sergent issu du service TTR. Il organise rapidement un semblant de manœuvres et nous voilà partis pour trois jours près de Houffalize pour exercer nos talents de radio transmission. C'est à Chène al pierre que nous dressons la tente juste en face d'un petit café. Nous profitons de la cuisine de la tenancière pour chauffer nos différents plats. Nous sommes avec le sergent et trois chauffeurs au nombre de huit et durant les trois jours, nous avons consommé plus de cinquante œufs. Deux fois par jour, une jeep équipée d'un poste filait à une dizaine de km et nous établissions le contact radio durant vingt minutes avant de décréter le silence radio. Tout devait être dans les règles, car nous étions sur écoute à Liège par l'Etat-Major de la brigade. C'était du sérieux.

Le bataillon prend de l'importance et la caserne de Hombourg devient trop petite. Nous déménageons alors à Visé dans la caserne "Lieutenant Jacquemin". Le matériel et les effectifs sont revus à la hausse. Trois jeunes médecins font désormais partie de l'unité ainsi qu'une troupe de nouveaux soldats. Un de ces derniers, Alix Goffin d'Exbomont près de la Gleize sera pour moi un très bon camarade. En 1962, avec maman et Didier, nous louerons dans sa ferme pour huit jours de vacances, un petit fournil bien sympa. En 2010, j’apprends que sa fille est l’épouse du fils de Roland, le nouveau compagnon de ma belle-sœur Maria de Francheville.

Nous préparons une manœuvre interne au bataillon aux fins de préparer de grandes manœuvres interalliées. Nous devons partir à Vogelsang un lundi matin. La veille, je suis en congé et j'attrape la grippe. Je peux néanmoins rejoindre la caserne le dimanche soir et je m'inscris à la visite de l'infirmerie en pensant ne pas participer aux manœuvres. Effectivement le médecin me met au repos en chambrée, mais voilà, je fais partie en tant qu'opérateur radio, de la compagnie "Etat-Major" et mon lieutenant nommé Firquet veut que je participe aux opérations, il fait annuler la décision du médecin, me donne médicaments et genièvre (il a une ration supplémentaire pour sa participation aux manœuvres et m'en fait profiter à sa façon).

Il me place, non pas dans un camion, mais dans une ambulance qui sera expressément chauffée pour moi, et nous voilà partis. Arrivés sur place, il suit l'évolution de mon état avec chaque fois son médicament à lui, c'est-à-dire du genièvre. Conséquence du traitement je suis saoul. Le premier soir dans la tente, je me mets à cracher mon antipathie vis à vis du RSM, c'est le sous-officier supérieur chargé de la discipline du bataillon. Il est très strict et provient d'une unité de Chasseurs Ardennais; unité à l'époque semblable aux commandos. Dès lors mes camarades de la tente font tout pour me calmer et me faire dormir. A part ça tout va pour le mieux, ma grippe est définitivement noyée dans l'alcool et les manœuvres du bataillon se terminent tant bien que mal.

Les grandes manœuvres interalliées ont donc lieu quelques semaines plus tard à Oberhausen près de Kassel en Allemagne. Le trajet se fait en train; jeeps, ambulances et GMC soit tout le charroi, sont placés sur wagons plats et arrimés en gare de Visé. Nous disposons pour la troupe de vieux wagons qui je pense ne sont plus utilisés. Après quelques jours de manœuvres, nous apprendrons, au grand dam de notre Etat-Major, que suite aux différents mouvements des troupes en présence nous avons été anéantis et que le bataillon Etat-Major n'avait plus son commandement. C'est aussi lors de ces manœuvres que pour la seule fois de ma vie : en étant sur une colline bien à découvert, j'ai vu passer cinq avions chasseurs à réaction qui filaient plus bas que nous, dans la vallée. C'est peut-être à ce moment que nous avons été anéantis ?.

Peu de temps après l'arrivée du bataillon à Visé, je suis pressenti pour gérer et servir en tant que barman du mess sous-officier. La proposition me plaît. Je suis déchargé de toutes corvées souvent désagréables. J'ai pour m'aider un petit Français qui ne retourne jamais en permission. Je profite de l'aubaine. J'obtiens aussi une permission de minuit permanente, soit 0 heure 45. Cette heure est l'heure de rentrée à la caserne au départ de la gare avec la dernière micheline en provenance des Guillemins. Par la suite je reçois aussi l'autorisation de quitter la caserne dès 17 heures. Mon commandant de compagnie est génial pour me donner les permissions demandées : moi aussi pour les obtenir.

Tout est pour le mieux. Le seul pépin dans mon organisation, c'est que je fais du stop au départ de la caserne, ce qui en tant que militaire marche à merveille; et pour rentrer le soir à la caserne, je prends à Verviers à 23h25 l'international venant de Cologne jusque Liège puis un omnibus jusque Visé.

Mais la limite de mon casernement ne m'autorise pas d'être ni à Dison, ni à Liège. J'ai été arrêté une seule fois à Liège par des MP, qui ne connaissaient pas Visé; je leur ai donc appris que ce n'était pas loin d'ici.

Une autre fois, le train en provenance de Cologne est annoncé avec un retard de 25 minutes; je risque à ce moment de me trouver à Liège sans train pour Visé et sans pouvoir accéder à quoi que ce soit puisque je suis en infraction. Une seule solution est possible. Je trouve le chef de gare et lui demande avec mon air le plus naïf si la micheline à Liège peut m'attendre; après un coup de téléphone aux autorités compétentes, il me répond que oui sauf problème d'organisation. Lorsque j'arrive à Liège, effectivement la micheline est sur une voie de garage, et lorsque je monte dans celle-ci le chauffeur me demande " c'est vous le militaire de Verviers ?, alors on peut partir ". Pour lui et les autres occupants du train, j'étais gêné, certains rentraient chez eux après leur journée de travail. Evidemment, je pense qu'ils n'appréciaient pas les trente minutes d'attente.

Après douze mois de service, le programme des plus anciens soldats est légèrement modifié, c'est pourquoi deux jours par semaine, l'après-midi durant une heure, je me suis inscrit et proposé d'aider les illettrés à apprendre à lire. Il faut savoir que la plupart n'en avaient rien à foutre et que seuls quelques-uns ont marqué leur appréciation pour la chance qui leur était proposée.

Je termine donc mon service au mess des sous-offs, ce qui me donne le droit de manger avec eux le menu amélioré du réfectoire de la troupe. Les derniers mois se passent normalement et les derniers jours avant la démob, étant donné le nombre élevé à la caserne de soldats arrivés au terme de leur service, il nous est interdit de sortir de la caserne.

Les soirées ont donc lieu à la cantine, je me souviens qu'un soir, c'est sur une table que je lançais des chants à la cantonade. Le jour précédent ma démob, les sous-offs, après le repas de midi du vendredi, veulent me remercier pour mon boulot effectué au bar, ils invitent quelques officiers avec eux et m’offrent le ou les verres d'adieu; je suis légèrement entamé et à 14 heures, voilà que le commandant fait sonner au clairon le rassemblement ultra général. Donc je suis aussi concerné ainsi que tous les officiers et sous-officiers.

N'étant au courant de rien, lors de ce rassemblement, je suis appelé par le commandant avec un autre soldat, et titubant… très légèrement, je reçois de ses mains, le diplôme de bon soldat. Ce diplôme pour Toto, c’est le nom que m’avait donné mon commandant de compagnie, bien des officiers et des amis l'ont signé avec parfois pour certains quelques commentaires. Ce diplôme, je l'ai perdu et toujours regretté, car il était pour moi, l’un des vrais souvenirs très agréables des amitiés construites lors de mon séjour à l’armée. Le dimanche de ma démobilisation, une petite soirée eut lieu à la maison avec mes amis du patro, invités par mes parents et, organisé par mes sœurs.

De retour de l'armée, le 28 février 1954, je deviens le Chef Technique du patro, suite à du rififi entre le vicaire et l'ancien chef qui s'appelle Pierre Gauthy. Il ne me tiendra jamais rigueur. Mon premier camp avec ma nouvelle fonction se déroule à Grune, sur les hauteurs de Bande où eut lieu le massacre des villageois lors de l'offensive von Rundstedt.

Sans dire aux parents que j'allais avec Pierre Gauthy en moto de type Vespa, et afin de trouver l'endroit de ce futur camp je suis parti non sans légèrement me tracasser. Le trajet s'est bien passé, malgré une certaine peur.. Arrivés à Grune, notre première visite est pour le curé du village qui nous renseigne les fermes où nous avons des chances d'être reçus.

Et sortant de chez lui, il admire la moto de Pierre, qui aussitôt lui propose de faire un tour du village. Dix minutes se passent et Pierre revient sans notre bon curé. Le brave, heureusement sans dommage était tombé de la moto et préférait rentrer au village à pied.

Ce camp est placé sous le signe de la Vierge. C’est une année mariale décrétée par le Vatican. Chaque équipe doit donc dans un coin du village, ériger une potale dédiée à la Vierge.

Mon amour du chant et de la musique (mes connaissances de celle-ci dans une faible mesure) ont toujours fait partie de mes activités. Dès l'âge de dix ans, j'entre à l'école de musique de Dison dirigée par Mr Michel Jetteur, un grand violoniste dont le portrait se trouve dans une des classes du conservatoire de Verviers. J'y reste deux années. A l'église, aux fêtes de Pâques et de Noël, je chante souvent en soliste sous la houlette du vicaire Prume, excellent musicien qui s'occupe de toute la partie musicale de la paroisse. Je vais aussi chanter avec trois autres condisciples, à la Royale Grégorienne, dirigée par Jacques Doome; il a un jour composé les chants de l'ordinaire d'une messe et avec sa chorale d'une quarantaine d'hommes nous la chanterons dans plusieurs paroisses de Verviers.

C'est aussi avec René Deheselle, mon beau-frère et Charles Zeevaertz que nous animons les chants de la grand-messe du dimanche. Par la suite, c'est aussi à cette grand-messe que du banc de communion, je dirige la foule, ceci ne plait pas trop à notre ami Charles, mais c'est le Doyen Michel qui me l'a proposé. Je fais aussi chanter la foule au salut du dimanche à 15h30.

Au patro, c'est aussi une de mes activités préférées. Avec Robert Tromme, tout jeune patronné et accordéoniste, frère de Marc l'instituteur, avec Orphal Simon ainsi que Claude Defawes nous animons au patro certaines soirées d'hiver. Lorsque je me marie, toutes les activités musicales tomberont par l'occupation de la boulangerie et par mon travail en feux continus lors de mon entrée à Fiberglas. C'est en 1974 que se termineront pour moi le travail en feux continus.

C'est en 1975 que je prends la direction de la chorale des jeunes de la paroisse jusqu'en 1994. Nous étions plus ou moins quarante jeunes avec une dizaine d'adultes. Je suis soutenu par Didier et Daniel qui m'apportent leurs connaissances bien plus développées que les miennes. Ce fut pour moi une magnifique expérience dont je garde aussi le meilleur souvenir.

Revenons à la suite des années précédentes. Avec le vicaire Gilson, nous préparons le camp de 1955, qui en principe est ma dernière activité au patro. Il se fera à Frahan, un joli petit village au bord de la Semois, dans la vallée et sous le village de Rochehaut. Nous sommes le dimanche 24 Juillet, le jeu d'après-midi vient de se terminer et la troupe redescend du bois pour rentrer au cantonnement.

Un des dirigeants, Pierrot Pepinster, âgé de 17 ans, qui ne prend pas le chemin en lacets descendant vers la rivière, coupe à travers bois et se trouve en fin de parcours au-dessus d'un petit rocher de plus ou moins deux mètres. Dans ce bois touffu, je pense qu'il l'a aperçu trop tard; il a donc glissé ou sauté, mais dans la précipitation, son cou a heurté la pointe du rocher. Il est tombé sans connaissance. Apeurés, les chefs d'équipes ont tenus les jeunes à l'écart, les plus grands ont été prendre le brancard au camp situé à 400 mètres. Je suis resté près du malheureux avec un médecin qui se trouvait par chance tout près.

Placé sur le brancard, nous sommes remontés vers le cantonnement. Chemin faisant, le médecin toujours à mes côtés, me dit à l'oreille: " C'est fini, il ne survivra pas".

Exceptionnellement, le vicaire était parti en visite chez Dion à Dohan, un endroit où nous avions campé précédemment. Quelque chose de terrible me tombe sur les épaules. nous rentrons au camp, Pierrot est mort. Là je retrouve le couple de cuisiniers qui nous accompagnait. Le brancard est déposé sur plusieurs chaises; dirigeants et enfants sont encadrés par des chefs scouts dont le cantonnement se trouve au bord de la Semois. Un des chefs me prend à part et me parle gentiment afin de me réconforter.

Tout est terrible. Le vicaire est rentré; les gendarmes arrivent et veulent connaître le déroulement des faits; savoir si quelqu'un a poussé le malheureux. Il faut prévenir la maman par l'intermédiaire du Doyen. Celle-ci me dira par la suite que lorsque le Doyen est arrivé chez elle, elle a pensé directement au pire.

Elle viendra voir son fils le lendemain avec des amis, les époux Lonneux; ils seront plus tard les grands-parents de Henri-Charles et de Sophie Boulanger. Madame Pepinster perd son fils loin de chez elle comme son mari mort en France en 1940 au début de la guerre. Le camp est terminé, tout est lugubre; le camion qui nous a amené quelques jours plus tôt vient nous rechercher.

Nous serons accueillis à Dison par plusieurs anciens du patro. Tous les jours soirs, j'irais chez la maman dont le moral est surprenant. Elle a une fille Huguette, qui deviendra l'épouse de Monsieur Bernard, commerçant en meubles et décorations dans la rue Jardon.

Une foule nombreuse a assisté aux obsèques. Tous les patronnés en uniforme entourent le défunt. Le bourgmestre Mr Hoen (le premier à gauche de l’orateur photo n° 1 page 58 de Mémoire de Dison) se tenait sur le parcours du convoi funéraire. Il salua la dépouille au passage devant la maison communale.

Le vicaire Gilson tient alors a me garder dans ma fonction, alors que prévu depuis un certain temps, mes activités se terminaient après le camp. Lui aussi avait besoin d'un support humain; il pensait que mon départ nous mettraient tous les deux dans une position de coupable. Je suis donc resté trois mois de plus dans ma fonction et serais remplacé par Pierre Gauthy qui quatre ans plus tard deviendra mon beau-frère en épousant ma sœur Alice.

Avec l'aide des anciens, nous retournerons à Frahan pour ériger un petit monument à l'endroit où Pierrot a trouvé la mort. Il est situé en face du pont qui surplombe la rivière et rejoint le chemin montant vers Rochehaut. Plus tard, nous irons en car, avec les sympathisants, commémorer les 25 et 50 ans de son décès.

Je suis maintenant libre d'occupation les dimanches, je vais donc avec Edith ma fiancée occuper mes après-midi très agréablement. Je me souviens d’une de mes premières sorties avec Edith, alors que ma future belle-mère rendait visite à sa fille et sa sœur Sylvie Blaise, mais je ne connaissais pas encore ma belle-mère, et pas bien la tante Sylvie Blaise.

Nous sommes donc allés ce mardi soir voir au Grand Théâtre, l’opéra « Le barbier de Séville ».

Tante Sylvie Blaise avait son quartier à gauche en montant la rue de Rechain au n°64 chez un Monsieur Delon, (maintenant une nouvelle maison a été construite devant l’ancienne). Celui-ci semblait jaloux de moi et fermait la barrière de la cour d'entrée pour m'empêcher d'entrer. Elle déménagera donc pour s’installer en face au n°39. C’est dans cet appartement que nous fîmes la connaissance du petit Hubert Dormans. Il viendra d’ailleurs nous dire bonjour durant plusieurs années.

Je vais retrouver ma chérie plusieurs fois la semaine, mais de toute façon, régulièrement tous les jeudis et les dimanches.

Ceci termine cette partie de ma vie. Elle sera à suivre sous d’autres chapitres.